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Rungis fête ses 40 ans

Marc Spielrein est président directeur général de la Semmaris (Société anonyme d'économie mixte d'aménagement et de gestion du Marché d'intérêt national de Rungis) depuis 1994. Il revient, pour nous, sur les 40 ans d'évolution de ce gigantesque marché qui en 2008 a vu 1213 entreprises réaliser un chiffre d'affaires de 7,5 milliards d'euros. Rungis c'est aussi 1,48 millions de tonnes de produits alimentaires traitées par an, sur une superficie de 232 ha.

Marc Spielrein : "Rungis est un des marchés au monde où l'on défend le mieux la qualité des produits".
Marc Spielrein : "Rungis est un des marchés au monde où l'on défend le mieux la qualité des produits".
© Réussir

Quelles sont les grandes évolutions au cours de ces quarante ans ?
La première évolution est la part importante prise par la grande distribution dans le système de distribution alimentaire. Encore modeste en 1969, elle occupe aujourd’hui une position très importante. Seconde évolution : le développement de la restauration hors foyer. En France, un repas sur six est pris hors foyer et en Ile-de-France, c’est près d’un sur cinq. En Grande-Bretagne, c’est un sur trois et aux Etats-Unis, c’est un sur deux. Cette évolution de fond est en cours et va se poursuivre, c’est un phénomène de société. Le troisième changement, c’est l’internationalisation du système de distribution agroalimentaire, des produits, de la clientèle, et Rungis est très directement concerné par cette évolution. Grâce à son mode de fonctionnement et son offre, Rungis s’est bien adapté à ces 3 grandes évolutions.

Quelles sont les tendances pour les années à venir ?
L’internationalisation et le développement de la restauration hors foyer se poursuivront. Autre tendance forte, la demande par les consommateurs de produits ultra frais, mais faciles d’emplois. Nous réfléchissons à tout ce qui concerne l’accessibilité et la facilité d’emploi des produits. La réponse à cette demande ne doit pas passer par une industrialisation qui pousserait à abandonner le monde des produits frais pour des produits de conservation. Les produits doivent conserver leurs caractéristiques diététiques, nutritionnelles et organoleptiques… Les restaurateurs souhaitent disposer de plus en plus de produits faciles d’emploi. Le filetage de poisson, les salades quatrième gamme, les fruits coupés ou les salades de fruits préparées ou encore le prêt à cuire vont continuer à se développer… C’est la conséquence de notre mode de vie, les ménagères ont de moins en moins de temps pour préparer des repas.

Qu’a apporté Rungis aux consommateurs ?
D’abord la défense des produits frais, des produits de saison. Chacun sait que la consommation de produits frais a des vertus en matière de santé, d’hygiène alimentaire, qu’ils sont agréables et ont des goûts naturels. Rungis, avec son offre, défend le produit frais, les produits de saison, le rythme de la production, la succession des produits, des goûts… L’idée de consommer du 1er janvier au 31 décembre les mêmes produits au même prix est une idée simpliste qui va à l’encontre des concepts de développement durable. Produits frais, saisonnalité des produits, défense des niveaux de qualité des produits, je pense que Rungis s’est illustré dans ces combats avec succès.

La qualité reste un axe fort pour Rungis ?
En visitant des marchés à l’étranger, je constate assez fréquemment que des produits mis en marché ne pourraient l’être à Rungis. Nous sommes certainement un des marchés au monde où l’on défend le mieux la qualité des produits. Nous réalisons près de 10 % du chiffre d’affaires à l’exportation et cet aspect qualitatif y contribue pour beaucoup. Le Carreau des producteurs franciliens commercialise des fruits et légumes récoltés le matin même et vendus le même jour à Rungis, ces mêmes producteurs exportent jusqu’à 40 % de leur production. Au cours d’une récente rencontre, les producteurs bourguignons ont mis en avant les perspectives que leur offrait Rungis pour l’exportation. Une gamme très étendue de produits du terroir bourguignon trouve ici des possibilités à l’export. Tous soulignent l’intérêt de l’offre globale du marché de Rungis mais également leur intérêt à être présents à Rungis pour favoriser l’exportation de leurs produits.

Rungis s’est-il éloigné des producteurs ?
Non, nous ne sommes pas éloignés des producteurs. Ils sont souvent présents, peut-être pas assez à notre goût. Les opérateurs de Rungis ont des contacts directs avec leur amont, leurs fournisseurs et donc avec des producteurs. Selon les filières, le type de contact est différent, l’organisation de la commercialisation ne se fait pas de la même façon, mais les contacts que nous avons avec l’amont sont nombreux. Ce sont des contacts directs que chacun des grossistes entretient avec ses fournisseurs. Ce sont aussi des contacts collectifs que nous organisons comme, par exemple, le cinquantième anniversaire de la volaille de Loué ou des opérations menées avec le Cantal, l’Auvergne, la Bourgogne…

Les producteurs connaissent-ils bien Rungis ?
Tout dépend des filières. Il est clair que dans l’élevage bovin, il y a l’intermédiaire de l’abattoir. Rungis essaye de diffuser vers l’amont les tendances et les demandes des différents marchés, des différents types de clients. Nous sommes un lieu d’échanges d’informations entre l’amont et l’aval, c’est-à-dire d’une part les caractéristiques et les contraintes des producteurs et d’autre part la demande des consommateurs. À Rungis, on teste la plupart des nouveaux produits, qu’il s’agisse de nouvelles variétés, de nouvelles espèces, de nouveaux conditionnements…, avant qu’ils soient commercialisés dans l’ensemble des circuits.

On parle de plus en plus de contractualisation. Votre avis ?
Il existe une contractualisation informelle : des opérateurs de Rungis s’engagent à acheter la totalité de la production ou des volumes au cours d’une saison. Dans l’avenir, ces relations se formaliseront de plus en plus.
Les producteurs ont besoin d’un cadre pour leurs décisions de mise en production et donc d’indicateurs de prix pérennes et stables. Il existe une réelle élasticité de la production vis-à-vis des prix. C’est-à-dire que si, dans un domaine, les prix apparaissent comme rémunérateurs, des augmentations de production s’ensuivent. Mais cette élasticité se joue sur un horizon de temps relativement important : il est d’un an pour les cultures fourragères, de trois ans pour la viande bovine, de 10 ans pour un arbre fruitier…
Vouloir faire reposer à tout instant le niveau des prix agricoles sur la seule confrontation instantanée de l’offre et de la demande n’est pas efficace. On a besoin d’indicateurs durables sur les évolutions des niveaux de prix et vouloir faire reposer l’approvisionnement des Européens sur le marché international est aussi extrêmement risqué. Par conséquent, il y a lieu de trouver les mécanismes adaptés pour garantir une relative autosuffisance de l’Europe pour son approvisionnement à moyen et long terme ainsi que des indicateurs de prix qui permettent aux producteurs de prendre des décisions durables en matière de niveau de production.

Les agriculteurs réclament un peu plus de morale dans les pratiques commerciales. Votre point de vue ?
Aujourd’hui, le producteur primaire ne recueille que 25 à 35 % du prix de vente final du produit. Ce n’est pas énorme. Mais en Chine, il ne recueille que 10 %, ce qui montre que notre système de distribution est plus efficace que le système chinois. Les fonctions de préparation, d’emballage, de présentation, d’acheminement, de stockage, de vente ont certainement pris une part accrue de la valeur ajoutée. Le pire est la volatilité des prix. C’est très mauvais pour le producteur et ce n’est pas bon pour le consommateur : en période de forte volatilité, à la hausse comme à la baisse, les étiquettes ne suivent pas l’évolution des cours et des prix de revient. Il faut par conséquent rechercher des mécanismes de stabilisation des prix. Le producteur a le droit de pouvoir vivre de son travail et de sa production, il faut assurer en amont des prix de vente suffisants afin que l’on puisse maintenir en qualité et en quantité la production demandée par les consommateurs.

Repères

- 28 février 1969 : 20 000 personnes travaillant pour 1 000 entreprises déménagent des Halles à Rungis.
- 3 mars 1969 : ouverture officielle du Marché de Rungis avec la première tenue des marchés des fleurs, de la marée, des fruits et légumes et des produits laitiers.
- 1973 : les grossistes en viandes quittent les abattoirs de la Villette et rejoignent Rungis. Depuis, Rungis est devenu le plus important marché de produits frais au monde.
- 2008 : 1 213 entreprises ont réalisé un chiffre d’affaires de 7,5 milliards d’euros. Le commerce de gros se déroule sur une superficie de 232 ha et traite 1,48 million de t de produits alimentaires par an. Les ventes réalisées à Rungis sont destinées à 18 millions de consommateurs.
- La clientèle de Rungis est à 50 % composée de détaillants. Le solde se répartit entre la restauration hors foyer (35 % des ventes) et la grande et moyenne distribution (15 % des volumes).
- Les produits vendus sur le carreau de Rungis repartent prioritairement en Ile-de-France (à 65 %) et dans les autres régions de l’Hexagone (25 %). Le solde (10 %) est destiné à l’export.

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