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«Le numérique peut apporter beaucoup de choses à l'agriculture»

Éleveur laitier en Vendée, vice-président de la FDSEA 85, Hervé Pillaud est un passionné de culture numérique.

Hervé Pillaud, éleveur et vice-président de la FDSEA 85.
Hervé Pillaud, éleveur et vice-président de la FDSEA 85.
© F. Guilhem

La crise que traverse actuellement l'agriculture annonce, selon vous, la fin d'un cycle. Pouvez-vous préciser votre réflexion et nous expliquer ensuite comment l'agriculture peut se réinventer ?
Je ne pense pas que ce soit une crise que nous traversons, mais un changement plus global. La société évolue, se globalise, le monde devient un village et, dans une société de plus en plus urbaine, il n'y a plus véritablement de liens directs entre le producteur et le consommateur, ce qui crée des incompréhensions.
Trois cycles en matière économique agricole montrent leurs limites : le protectionnisme d'État voulu par Méline il y a plus d'un siècle ; la politique keynésienne de relance par la consommation en vigueur depuis quarante ans, inadaptée à un monde ouvert, qui ruine l'industrie et l'agriculture ; la fin d'un cycle de PAC procédurière fondé sur la réglementation et la défiance. Si crise il y a, elle n'est pas uniquement économique. Elle est aussi une crise de sens politique et moral. Les politiques actuelles, plus fondées sur la réglementation que l'initiative, sont inadaptées à répondre aux grands enjeux du XXIe siècle.

Vous dites que l'une des solutions sera le numérique. Mais qu'est-ce que celui-ci peut vraiment apporter au monde agricole ?
Le numérique peut apporter beaucoup de choses à l'agriculture, il peut être le vecteur principal de notre entrée dans ce nouveau paradigme. Certes, le numérique fera évoluer les techniques de production, de gestion, de commercialisation, mais ce doit être d'abord une affaire d'évolution du management à tous les niveaux, avant d'être une affaire de technologie, sans jamais oublier nos fondamentaux : travail en réseau, mutualisme et coopération.

En quoi les technologies numériques entraînent-elles une révolution dans le monde agricole ?
Je pense que la révolution n'a pas encore eu lieu, elle est à venir, et notre capacité à nous y impliquer impactera les bénéfices que nous pourrons en tirer. Nous devons poser les bases d'une nouvelle approche du marché, plus volontaire, plus transparente.
Nous ne devons laisser à personne d'autre le soin de connaître les souhaits des consommateurs de par le monde, nous mettre en situation de les anticiper et de les satisfaire. Du local aux marchés les plus éloignés, l'image qu'ont les consommateurs du producteur français est plutôt bienveillante partout dans le monde, la traçabilité de nos produits est, par exemple, un atout.

Quel peut être le rôle de la blockchain ? À quoi sert-elle ? Quelle opportunité pour les agriculteurs ?
Décrire ici, en quelques mots, ce qu'est la technologie blockchain n'est pas facile. Retenez que cette technologie rend possible la dématérialisation de la confiance. Confiance que nous confions communément à un tiers : notaire, banquier, huissier pour garantir un acte, un dépôt ou une transaction. Elle permettra demain d'avoir à notre disposition, pour un coût modique, de quoi protéger nos transactions, nos contrats ; d'authentifier la traçabilité des produits, la certification d'un cahier des charges, et même un vote. Nous pourrons aussi gérer les consentements liés au transfert de données ou encore automatiser les systèmes assurantiels.

Les agriculteurs sont-ils vraiment prêts à s'emparer du numérique ? Quels sont les freins qui demeurent ?
Non, ils ne sont pas prêts ! Même si globalement les agriculteurs ont déjà intégré les nouvelles technologies, nous n'avons pas encore intégré le raisonnement global. Je ne peux pas les développer ici par manque de place, mais c'est ce que j'ai essayé de définir dans mes deux essais : «AgroNuméricus» et, dernièrement, «AgroÉconomicus», où j'expose, pour la première fois, ce que les plateformes, la machine learning et la blockchain pourront apporter si nous savons nous en saisir. L'ubérisation de l'agriculture est inéluctable, il nous faut l'intégrer et tant qu'à ce qu'elle se fasse autant que ce soit par nous.

Quel est le rôle que peuvent jouer les organisations professionnelles agricoles pour que les agriculteurs entrent dans l'ère numérique ?
C'est par nos organisations que nous devons nous acculturer à ce nouveau paradigme. D'abord, par le syndicalisme en France et en Europe, la FNSEA peut y jouer un grand rôle. Le syndicalisme, l'esprit mutualiste et coopératif sont des valeurs qu'il nous faut redynamiser grâce aux nouvelles technologies.
C'est bien plus par-là que par l'apport (pourtant nécessaire) des technologies dans les techniques de production, de commercialisation et de gestion que nous y arriverons. Il nous faut repenser le financement, le management, la communication. Nous devons cesser d'être les rentiers de nos aînés pour en devenir les héritiers en réalisant notre leap frogging (saut de grenouille), comme ils avaient su le faire dans les années 1960.

En quoi le numérique peut-il créer du lien entre les agriculteurs, plutôt personnels dans leur mode de fonctionnement ?
Ce n'est pas le numérique qui créera du lien, mais le besoin, et c'est l'adversité qui crée le besoin. Dans un monde globalisé, l'avenir appartiendra à ceux qui sauront travailler en réseau. Le numérique n'est qu'un moyen, ce n'est pas son emploi qui fait sens, mais le besoin de l'utiliser pour mieux faire société commune entre agriculteurs et avec nos concitoyens.

Les bénéfices de la technologie peuvent-ils vraiment profiter aux affaires des agriculteurs ?
L'opportunité est grande pour les agriculteurs de reprendre ainsi collectivement la maîtrise de leurs productions jusqu'aux consommateurs, qu'il habite à la porte de sa ferme ou sur les bords de la mer de Chine. Il faudra des années pour mettre ces technologies en place. Pour réussir, il faut commencer tout de suite comme l'a fait la Silicon Valley pour internet. Je rentre juste du AG/SUM à Tokyo, qui a réuni durant trois jours des spécialistes des AGtechs du monde entier. Nous, paysans français, avons des atouts, il nous faut juste avoir confiance en nous et compter d'abord sur nous.

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