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Le bilan de la PAC doit redonner du sens à la politique agricole européenne

Jacques Chazalet, président de la FRSEA Massif Central donne sa vision d'une politique agricole et alimentaire plus efficace. Il prône une refonte de la PAC avec un rééquilibrage des soutiens en faveur des éleveurs herbagers ; vision qui semble aujourd'hui partagée par les responsables politiques comme les responsables professionnels.

“Le rééquilibrage que nous demandons n’est pas une fin en soi.”
“Le rééquilibrage que nous demandons n’est pas une fin en soi.”
© L'Auvergne Agricole

Les propositions du Massif central en faveur d’une politique agricole et alimentaire plus efficace semblent trouver écho auprès des décideurs. Quelles sont les raisons qui ont motivé votre réflexion ? La flambée des prix des matières premières en a-t-elle été le moteur ?

Remettons les choses dans l’ordre : cela fait plus de deux ans que la FRSEA Massif central travaille sur cette question. Nous n’avons pas attendu le cahot des marchés mondiaux pour réfléchir à la mise en place d’une PAC plus efficace. Nous nous sommes tout simplement projetés dans l’avenir pour comprendre ce dont les agriculteurs européens ont besoin pour répondre aux défis qui les attendent. Et la réponse est claire : si nous voulons demain assurer l’approvisionnement des consommateurs européens, contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux, conforter le développement de toutes les agricultures sur tous les territoires tout en préservant les ressources de la planète, il nous faut une politique ambitieuse qui sécurise les revenus des agriculteurs et les protège contre les fluctuations erratiques des marchés. Or, la PAC actuelle est à bout de souffle, incapable de remplir de tels objectifs. Il s’agit donc aujourd’hui de lui adjoindre de nouveaux outils de gestion et de régulation.

Justement, les négociations sur le bilan de santé de la PAC entrent dans une phase décisive, sur quelles décisions doivent-elles déboucher ?

Avant de se prononcer sur de quelconques décisions, les responsables européens doivent déterminer clairement de quelle agriculture et de quelle production alimentaire l’Europe entend se doter, car c’est en fonction de cela que seront définies les orientations de la politique agricole commune.
Une chose est sûre, c’est que contrairement au souhait de la Commission européenne, la PAC a besoin d’outils de régulation et de flexibilité. Des outils capables de juguler les variations de prix que nos petites entreprises ne peuvent gérer seules. Les aides découplées, basées sur un historique, perdent chaque année un peu plus de leur légitimité car elles ne tiennent pas compte de la situation réelle des marchés. Avec l’ouverture sans contrepartie des marchés européens, les agriculteurs sont confrontés à la concurrence des moins disant sociaux, environnementaux et sanitaires, au détriment des consommateurs européens. Ce dont nous avons besoin, c’est donc d’une PAC qui sécurise le revenu des agriculteurs, assure de la flexibilité pour aider quand ça va mal, régule les marchés et permet une concurrence loyale.

En fait, vous prônez une refonte de la Politique agricole commune ?

C’est effectivement ce que nous réclamons depuis des mois.
Le bilan de santé doit être une première étape dans cette refondation. Il doit permettre de franchir un premier pas pour aller vers une politique plus efficace et plus équitable. Il serait totalement suicidaire de rester dans la position où nous sommes actuellement.

Vous réclamez un rééquilibrage des soutiens de la PAC en faveur des éleveurs herbagers. Après la grande manifestation de Clermont-Fd et les propos du ministre de l’Agriculture au « Sommet de l’élevage » pensez-vous avoir été entendu sur ce point ?

Le rééquilibrage que nous demandons n’est pas une fin en soi. Je le répète, ce dont tout agriculteur a besoin c’est de voir son revenu sécurisé. Or, regardons la situation de l’agriculture française en face. Depuis de trop nombreuses années, les éleveurs et notamment ceux qui utilisent l’herbe, ont des niveaux de revenu totalement indignes. Et les producteurs ovins détiennent en la matière un triste record !
Dans les régions herbagères, les producteurs de lait et les éleveurs allaitants bovins et ovins ont des revenus inférieurs de plus de 30 % à la moyenne nationale. C’est aussi le cas des producteurs de viandes blanches et de céréales dans nos zones difficiles du Massif central. D’autant plus que les ICHN n’ont pas été revalorisées. Imagez, cela revient à se demander comment un sprinter peut être compétitif lorsqu’il court avec un sac à dos rempli de pierres alors que ses concurrents sont, eux, parfaitement équipés ?
En 2007, entre crise sanitaire et explosion des charges, le revenu des éleveurs a été amputé d’un quart. Cette situation n’a que trop duré ! C’est pourquoi nous réclamons des mesures conjoncturelles d’urgence et des solutions structurelles dans le cadre du bilan de santé. Sur ce point, les propos de Michel Barnier au « Sommet de l’élevage » ont plutôt rassuré. Mais maintenant tout cela doit se concrétiser. Les 20 000 agriculteurs qui ont manifesté le 16 septembre attendent désormais des actes aux plans national et européen.

Plutôt que d’hypothétiques soutiens européens, n’est-ce pas sur la valorisation des produits et l’organisation des filières qu’il faudrait se concentrer ?

Bien sûr que l’organisation des producteurs est primordiale ; nous y travaillons chaque jour au sein de nos filières. Mais force est de constater qu’il est plus facile de parler de valeur ajoutée et de compétitivité quand les soutiens de la PAC vous assurent une situation favorable que lorsque vous êtes, depuis 15 ans, les laissés pour compte de cette politique ! Toutes les analyses démontrent qu’il est quasiment impossible d’aller chercher sur le marché le différentiel de compétitivité généré par la PAC.
Sur ce point, l’exemple de la production ovine est édifiant ; alors que l’agneau français est le plus cher d’Europe grâce à l’organisation des producteurs et à l’utilisation de la segmentation des marchés, le revenu des éleveurs reste le plus faible !

Cette refondation de la PAC, que vous appelez de vos voeux, pourra-t-elle aboutir à l’occasion du « bilan de santé » ?

Il ne sert à rien de brûler les étapes. Pour moi il y a trois temps :
- Le court terme : c’est la conférence sur le revenu prévue début novembre. Nous attendons à cette occasion des mesures immédiates pour améliorer la trésorerie des exploitations, pour répondre aux conséquences de la crise sanitaire et soutenir les producteurs ovins.
- Le moyen terme : c’est le bilan de santé de la PAC. Une étape où nous devons procéder à certains ajustements sur lesquels, d’ailleurs, Michel Barnier s’est fortement engagé, en particulier dans son discours au Sommet de l’élevage. Il a affiché sa volonté de disposer d’outils de gestion des risques sanitaires, économiques et climatiques dans le premier pilier ; de mettre en oeuvre dans ce premier pilier un soutien économique aux hectares d’herbe (oubliés depuis la réforme de 1992) ; et de mettre en place un soutien durable aux producteurs ovins, vital pour le maintien de la production en France et en Europe.
Pour cela, le ministre doit négocier les marges de manoeuvre nécessaires au niveau européen. Il lui appartiendra ensuite, en partenariat avec la Profession, de fixer les conditions dans lesquelles ces orientations seront mises en oeuvre.
- Enfin il y a le plus long terme. Cette troisième étape doit nous conduire à définir la politique agricole qui assurera la sécurité alimentaire aux européens. Elle doit être aussi l’occasion d’imaginer et de mettre en place les outils de régulation des marchés. Eux seuls seront garants des normes et de la qualité des produits exigés par les consommateurs. Eux seuls assureront le développement économique de tous les territoires, notamment les plus fragiles.
Cette future politique devra s’appuyer sur une recherche performante et sur la formation de tous les acteurs au premier rang desquels les agriculteurs.
C’est cette vision de la PAC de demain que nous avons soumise aux débats.

Cette vision est-elle partagée ?

Il semble que la volonté des responsables politiques comme des responsables professionnels soit au rendez-vous. Les plus hautes autorités de l’Etat ont déclaré leur intention de réformer la PAC. Jean-Michel Lemétayer au Sommet de l’élevage, comme Xavier Beulin qui est intervenu au nom de la FNSEA à la manifestation de Clermont-Ferrand, plaident aussi pour une politique plus équilibrée et plus flexible. Il appartient maintenant au gouvernement d’agir et de prendre ses responsabilités.

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