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"Il n'y a pas de crise de confiance sur les marchés agricoles"

Philippe Chalmin professeur d'économie à l'université Paris-dauphine analyse l'impact de la crise financière sur les marchés agricoles. Selon lui, on revient à "la logique des fondamentaux".

Philippe Chalmin, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine : « Les prix vont rester “ sur longue période ” soutenus mais dans un climat d’instabilité ».
Philippe Chalmin, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine : « Les prix vont rester “ sur longue période ” soutenus mais dans un climat d’instabilité ».
© H.G./Réussir

La crise des marchés financiers accélère-t-elle la baisse des prix sur les marchés agricoles ?

Cette répercussion est quand même limitée. Les prix agricoles restent à des niveaux historiquement élevés. Que les marchés aujourd’hui subissent légèrement le contrecoup de la crise financière est évident. Toutes les matières premières se sont largement inscrites à la baisse du fait du retrait d’intérêts spéculatifs. Relativement nouveaux, ces intérêts spéculatifs n’étaient pas si massifs que cela. Si je regarde les cotations sur les marchés de Chicago, le blé est encore entre 5,8 et 6 dollars le boisseau, le maïs a même moins baissé puisqu’il est encore à plus de 4 dollars et le soja à plus de 9 dollars. Ce sont des prix encore relativement élevés. La baisse des prix en France est aussi un peu limitée par la remontée du dollar.

Bien plus peut-être que la crise des marchés financiers, c’est surtout l’excellente récolte 2008-2009 qui pèse sur les marchés. Nous faisons en blé une récolte mondiale record. Nous risquons de connaître des pressions à la baisse sur le marché physique en Méditerranée, liées en particulier aux disponibilités exceptionnelles de la région Mer noire. Ces disponibilités seront peut-être limitées par des problèmes de capacité logistique, mais elles restent très élevées. Donc, il était tout à fait logique et légitime de voir un réajustement des prix. Il faut savoir raison garder, on est très loin des 90 e la tonne que nous avons connus, il y a 3 ans.

Peut-on parler de crise de confiance sur les marchés agricoles ?

Non, il n’y a pas de crise de confiance sur les marchés agricoles. Quand nous regardons les prix, nous restons à des niveaux historiquement élevés, ce qui est vrai aussi pour les métaux.Il n’y a pas pour l’instant d’effondrement. Simplement, nous avons eu une année 2007-2008 marquée par des sommets historiques avec des moments de panique ; on est en train de revenir à la raison ou du moins à la logique des fondamentaux. La logique des fondamentaux est, je le répète, une récolte exceptionnelle en céréales cette année avec une demande à peu près équivalente. Aujourd’hui, tout le monde attend avant de s’approvisionner. Ceci étant, il y a eu des ventes tout à fait correctes sur l’Égypte récemment.Il faut que les agriculteurs comprennent bien qu’avec la campagne 2007-2008 et des prix du blé avoisinant les 300 euros la tonne, nous changions de « paradigme ». On passait d’un monde stable à un monde instable : l’instabilité signifie que demain est différent d’aujourd’hui. Si nous avions eu des problèmes climatiques un peu partout dans le monde, on serait probablement encore à 250 ou 300 euros la tonne, avec sûrement de gros problèmes pour les pays importateurs. Un agriculteur, maintenant, doit être capable de raisonner sur deux ou trois ans et non pas sur une seule année. Lorsque je vois que jusqu’à ces toutes dernières semaines, les agriculteurs ont continué d’investir à un rythme impressionnant, conduisant à une hausse de 16 % des immatriculations de tracteurs neufs par exemple, est-ce bien raisonnable ?

Le dernier rapport du ministère de l’Agriculture américaine (USDA) rehausse ses estimations de production mondiale de blé et de maïs. Cela va-t-il accentuer la baisse des prix ?

De toute façon le marché a intégré des fondamentaux exceptionnellement bons. Je continue à dire que les prix vont rester « sur longue période » soutenus mais dans un climat d’instabilité. Il faut bien digérer cette très bonne récolte 2008-2009, qui est quand même l’année du siècle ou presque. L’Europe risque même d’avoir des prix cet hiver encore plus bas au fur et à mesure que l’on verra la concurrence de la Mer noire sur la Méditerranée.

Avec la récession économique peut-on s’attendre à une baisse de la consommation ?

Pas vraiment concernant la consommation alimentaire, il ne faut pas exagérer. On continuera à manger. Pour les pays importateurs, les importations de céréales restent fondamentales. La bonne nouvelle, c’est l’effondrement des taux de fret maritime. L’indice Baltic Dry Index a effectué un brusque plongeon depuis juin dernier. C’est un élément qui va jouer dans la baisse des prix côté fret et donc favoriser toutes les exportations. On est sur un marché concurrentiel.Faut-il rappeler que la France a trouvé le moyen de terminer la campagne 2007-2008 avec un stock de report de trois millions de tonnes. On a peut-être à nous interroger sur nos politiques en matière de qualité.

Peut-on s’attendre à moins de volatilité sur les marchés ?

En général, lorsque les prix sont orientés à la baisse, la volatilité est moindre que lorsqu’ils sont orientés à la hausse. La volatilité des marchés se réduit au fur et à mesure que les prix baissent. C’est une règle qui vaut à peu près pour tous les marchés : probablement parce que des marchés à la baisse attirent moins les spéculateurs. Ce sont les spéculateurs qui créent la volatilité.

En conclusion, pas de panique sur les marchés agricoles ?

Aucune raison de paniquer. Simplement accepter de comprendre que, même si l’analyse de fond et de long terme reste la même, les besoins alimentaires mondiaux sont là, ils sont là pour durer. Nous avons cette année, une année un petit peu exceptionnelle dans la mesure où, je crois, qu’il n’y a aucun problème climatique où que ce soit dans le monde.

Vers une remontée des prix ?

« Le climat est très difficile. D’abord, les banques accorderont moins de crédits et, dans le même temps, il y a nécessité de vendre même si les cours sont bas alors que les prix des engrais et des phytos ont nettement augmenté », expliquait, la semaine dernière à La Dépêche, un courtier de la région Centre. Un autre courtier précisait aussi : « Ceux qui n’ont pas opté pour le prix moyen, vont s’en mordre les doigts ». Il est certain que la crise financière a produit ses premiers effets sur les marchés agricoles, créant de la confusion et un manque de visibilité sur les marchés. La crise boursière a-t-elle fortement amplifié la baisse des cours ? « Oui, répondent certains observateurs, et par excès ». D’autres, au contraire, estiment que « cette baisse des cours résulte plus d’un ajustement face aux fondamentaux, c’est-à-dire une récolte mondiale record de céréales ». Au lendemain de l’annonce du plan européen de sauvetage bancaire, le climat semblait déjà s’améliorer. Les opérateurs, de nouveau, recommencent à surveiller le marché de près, certains n’hésitent pas à parier sur une remontée des prix du blé d’environ 20 à 25 e la tonne dans les jours ou semaines à venir. Wait and see…

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